Depuis le 17 mars 2020, date du début du confinement en France, les agences d’intérim ont dû faire preuve de beaucoup de flexibilité pour ajuster leur activité et rester compétitives sur leur marché. Il est devenu décisif pour elles de réussir à cumuler performances économiques et sécurité des salariés.
Les habitudes professionnelles, qui semblaient figées depuis plusieurs années, se transforment. Désormais, les agences font face à des changements structurels et légaux et doivent s’y soumettre pour septembre. Le gouvernement change les règles pour aider le secteur à émerger même si certaines professions intérimaires surmontent mieux la crise que d’autres. D’ailleurs, le recrutement en intérim reste actif pour plusieurs secteurs d’activités.
Le contrecoup de la crise permet de dégager des nouveautés, voir même de faire un bon de plusieurs années dans le temps. Comment le monde du travail temporaire se transforme-t-il ? Comment les agences s’adaptent ? Que dit la loi ? Zoom sur 5 tendances du domaine de l’intérim pour la rentrée.
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1️⃣ Le port du masque rendu obligatoire
Le port du masque en entreprise se renforce. La nouvelle mesure sera applicable à partir du 1er septembre prochain. La Ministre du Travail, Elisabeth Borne, a annoncé le mardi 18 août 2020, que le port du masque en entreprise sera obligatoire pour tous les salariés. En revanche, cette obligation ne s’appliquera pas pour les bureaux individuels. Jusque-là le port du masque était « seulement » fortement recommandé. Désormais, les salariés devront le porter dans tous les lieux clos : open spaces, bureaux ouverts, salles de réunion, couloirs, salles de pause...
👉 Les employeurs doivent s’organiser en conséquence
De ce fait, l’employeur pourra modifier son règlement intérieur en mentionnant, par exemple, une charte Covid. De plus, il incombe à celui-ci de fournir ses salariés en masques. L’article L4122-2 du Code du Travail le précise :
“Les mesures prises en matière de santé et de sécurité au travail ne doivent entraîner aucune charge financière pour les travailleurs.”
👉 Les salariés sont responsables de leur sécurité
Si un salarié refuse de porter le masque, celui-ci encourt des sanctions. Ainsi, il est tenu à une obligation de sécurité envers lui-même et envers ses collègues. Le pouvoir disciplinaire appartient à l’employeur qui décidera de la sanction encourue pour le salarié. Néanmoins, le Code du Travail ne mentionne pas de sanction à l’encontre des professionnels. Cependant, il est important de mentionner que la responsabilité de l’employeur pourra être engagée en cas d’infections multiples sur le lieu de travail.
2️⃣ La relance des emplois intérimaires
La loi du 17 juin 2020 du code du travail mentionne de nouveaux articles à destination de l’intérim. Ceux-ci ont pour vocation de créer plus de souplesse pour les intérimaires et les entreprises utilisatrices. Ces nouveautés sont bénéfiques pour l'intérim car elles encouragent les entreprises à recourir à des travailleurs intérimaires.
👉 Des dispositifs plus souples
Les articles L. 1242-8, L. 1243-13, L. 1244-3 et L. 1244-4 du code du travail seront applicables jusqu’au 31 décembre 2020. Ils précisent les nouvelles mesures relatives aux contrats de mission :
Un accord d’entreprise au sein des entreprises utilisatrices peut assouplir le recours à du travail intérimaire. Celles-ci n’ont plus l’obligation de justifier ce recours au motif d’un surcroît temporaire d’activité ou d’un remplacement d’un salarié absent.
De plus, et par accord collectif, le nombre maximal de renouvellements possibles ainsi que les modalités de calcul du délai de carence entre deux contrats peuvent être négociés. L’article mentionne les cas pour lesquels le délai de carence n’est pas applicable. En outre, le recours à des salariés temporaires est désormais autorisé au sein des cas non prévus par l'article L. 1251-6 du code du travail.
👉 Les partenaires sociaux réfléchissent à transformer le secteur de l’intérim
Les partenaires sociaux négocient déjà des améliorations du statut des intérimaires pour 2021, lorsque la situation économique sera plus pérenne. Ainsi leurs réflexions s’articulent autour de plusieurs axes :
L’amélioration du dispositif de l’indemnité de fin de mission (IFM).
L’allongement de la durée des contrats de travail temporaire (CTT).
La modernisation des cas de recours.
Finalement, l’objectif de ces mesures est de permettre de lever les freins liés à l’embauche d’intérimaires et de relancer ce secteur. Par conséquent, elles permettront de sécuriser le recours au travail temporaire.
3️⃣ La nouvelle organisation des agences d’intérim
Face à l’apparition de ces nouvelles mesures, les agences sont tenues de procéder à des changements organisationnels en interne. Comment s’adaptent-elles ?
👉 Une communication dédiée à la crise
Les agences temporaires pour l’emploi modifient leur communication vis à vis des intérimaires. Par exemple une FAQ (foire aux questions) dédiée au covid est mise en place sur la plupart de leurs sites internet pour rassurer les candidats et salariés. Elles se doivent également de leur fournir les informations adéquates pour assurer leur sécurité.
👉 Prévenir et mobiliser sur la sécurité
Avant chaque mission, les agences doivent fournir toutes les informations de sécurité et recommandations sanitaires aux intérimaires pour éviter tout foyer de contamination au sein des entreprises utilisatrices. Chaque agence fournit ses recommandations et sa fiche information au nom de la prévention contre le covid-19. L’objectif étant de sensibiliser ses salariés intérimaires et de les mobiliser dans ce combat ou les agissements de chacun peuvent avoir des répercussions collectives. Les agences l’ont bien compris et tentent au maximum de rassembler les salariés autour de ce sujet sensible.
Par ailleurs, les masques faisant partie des EPI, les agences ont obligation de les fournir pour les aider à se protéger. En réalité, les agences d’intérim souhaitent être plus que jamais présentes pour leurs salariés : Répondre à leurs questions, les conseiller, les mobiliser, les prévenir sur les risques.
👉 Miser sur la formation et le développement des compétences
Les relations deviennent plus humaines et les compétences des collaborateurs sont davantage mises en avant. Ainsi, les offres de formation, notamment numériques, affluent. Afin de rester compétitives, les agences et divers organismes s’allient et s’organisent autour du développement des compétences intérimaires pour des postes pénuriques ou émergents.
Ce besoin en formation s’apparente à un réel travail des agences pour le développement de la GPEC (la gestion prévisionnelle des emplois et des compétences). En outre, le coût et le temps dédiés à la formation professionnelle croient et deviennent le centre de leurs intérêts. Selon Prism’Emploi « Les entreprises du secteur investissent chaque année 280 millions d’euros dans la formation ». Cette tendance a augmenté considérablement ces derniers mois.
👉 Relation tripartite : Double sécurité, double risque, double contrôle, double conseil
Double défi pour les agences qui, non seulement s’assurent que leurs intérimaires respectent bien les mesures, mais également que les entreprises utilisatrices leur fournissent un travail en toute sécurité. Les relations humaines deviennent le centre de leurs intérêts. D’ailleurs, l’agence peut être amenée à conseiller ses clients en cas de réaménagement de certains postes de travail liés à l’intérim.
Elle doit par exemple encourager le recours au télétravail si celui-ci est possible et elle est tenue d’assurer la sécurité des intérimaires en vérifiant auprès des entreprises utilisatrices que :
Les règles de distanciations sont mises en place.
Les déplacements non indispensables sont reportés.
La rotation des équipes est adaptée aux nouvelles mesures d’hygiène.
4️⃣ L'émergence du digital
Le covid-19 nous a enseigné que l’organisation des entreprises n’est pas figée. Avec l’aide du digital, celles-ci ont pu continuer leur activité. Pour un secteur qui est avant tout l’affaire de ressources humaines, de contact avec différents acteurs, comment le numérique peut-il avoir sa place ?
Pendant le confinement 1 actif sur 5 a été placé en télétravail. Ce nouveau mode de fonctionnement a permis l’émergence de nouvelles plateformes digitale ainsi que le renforcement de celles déjà en place.
👉 L’ubérisation de l’intérim
Le terme d’ubérisation de l’intérim est apparu il y a seulement quelques années et confirme sa tendance post covid. Dans le secteur de l’intérim, la fermeture des agences physiques a permis à celles-ci de poursuivre leur activité à distance. Entretiens en vidéo différée, en visio, signatures de contrats en ligne..., désormais la place du digital n’est plus à démontrer.
Cette tendance continue de croître au sein des agences même si celles-ci ré-ouvrent leurs locaux progressivement. En effet, les agences ont pris conscience que le digital permettait non seulement de mieux gérer leur temps mais également de créer une diminution des coûts de structures liés à l’administratif. De plus, l’utilisation du numérique n’a pas entravé le bon fonctionnement de la synergieagences d’intérim / intérimaires / entreprises utilisatrices.
Le double enjeu des agences d’intérim est ainsi d’être visible (confirmer sa légitimité et sa présence sur internet) et d’être attractif (être plus compétitif que les concurrents).
👉 Les plateformes digitales au service de l’intérim
Les différentes plateformes permettent aux agences non seulement de mieux gérer toute la partie administrative, à l’instar de la plateforme Troops, mais également de gérer un fort volume de potentiels candidats. Ainsi, elles assurent la bonne gestion des candidats et la valorisation des ressources humaines au détriment des tâches administratives rébarbatives.
Les plateformes digitales ont ainsi permis aux agences de trouver de nouvelles solutions organisationnelles. Celles-ci ont massivement souscrits à leurs fonctionnalités et compte tenu des résultats positifs, la tendance à la digitalisation de leurs processus continue de s’accentuer.
5️⃣ Le développement du télétravail
Dans ce contexte, le télétravail reste une pratique « recommandée, notamment dans les zones où le virus circule activement ».
D’après Indeed avant la crise du Covid-19, les offres d’emploi en télétravail représentaient 3 % des offres sur le marché. Aujourd’hui, elles ont plus que doublé.
Jusqu’ici, la France avait du retard par rapport à ses voisins anglo-saxons. Le télétravail commençait à se développer petit à petit, mais était loin d’être la priorité des entreprises. Désormais, celles-ci pensent à la banalisation de son instauration afin de permettre à leurs salariés un meilleur équilibre entre vie personnelle et vie professionnelle. Par ailleurs, les entreprises réfléchissent à la possibilité de flexibiliser les horaires de travail des salariés. Lire aussi : Télétravail : comment transformer son management à distance
Cependant, le développement du travail à distance ne peut se faire sans conséquences pour les entreprises spécialisées dans certains secteurs (restauration, hôtellerie, service à la personne...). Ainsi, celles-ci, subissent directement le contre-coup de la banalisation de cette nouvelle organisation.
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Finalement, la crise du Covid-19 aura permis à de nombreuses entreprises de faire un bond dans le futur. Un restaurateur nous confiait récemment, qu’avec toutes les nouvelles mesures en vigueur, son secteur avait fait un « bond de 5 ans dans le temps », et le domaine de l’intérim n’a pas été épargné par cette tendance.
Les agences, afin de rester compétitives, ont compris qu’elles devaient incorporer le digital dans leur stratégie. Les nouvelles mesures sanitaires leur ont par ailleurs permis d’axer leur mission sur la protection et la mobilisation des intérimaires face à cette bataille collective et mondiale. Le télétravail n’était que très peu incorporé à la stratégie des entreprises française. Cette nouvelle organisation est désormais fortement recommandée par le ministère du travail. Quant aux formations professionnelles, au cœur de la stratégie des agences d’intérim, elles donnent lieu à une évolution des emplois intérimaires vers des métiers plus qualifiés.
Ainsi, les évolutions technologies (big data, robotisation), qui devaient devenir la norme en 2025, arrivent plus rapidement que prévu. Les critères de compétitivité se sont drastiquement renouvelés et sont désormais axés sur l’innovation et l’humain. Les agences se sont alors recentrées sur leur cœur de métier, c’est à dire la gestion de l’humain en diminuant leur coût de fonctionnement.
De plus, à l’instar de la crise de 2008 (mais en plus conséquent), le mouvement créé par le coronavirus remet en évidence la question de la relocalisation des activités en France et les entreprises commencent tout doucement à externaliser leur gestion des ressources humaines, par le biais, entre autres, des agences temporaires pour l’emploi.